" L’heure est à l’expérience, pas à l’expérimentation " : le Canada vote ce lundi sur fond d’offensive de Trump
Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau. À deux jours du scrutin , même si les écarts semblent se resserrer ces derniers jours, le candidat libéral et nouveau Premier ministre Mark Carney fait toujours la course en tête dans les sondages, les électeurs le jugeant plus crédible pour faire face au président américain. Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d’annexion , ont changé la donne. Promettant de s’opposer fermement à son voisin et de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place, il a attaqué vendredi son rival conservateur, l’accusant de « ne pas avoir de plan pour tenir tête à Donald Trump ». Ce banquier central de 60 ans, qui n’a jamais été élu, ne cesse de rappeler que la menace américaine est réelle pour le Canada. « Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays », a-t-il prévenu. « Contrairement à Pierre Poilievre, j’ai déjà géré des budgets, des économies et des crises. L’heure est à l’expérience, pas à l’expérimentation », a lancé cet anglophone, né dans l’ouest du pays, dont le français est limité. À lire sur le sujet « Nous ne pouvons pas laisser Trump gagner » : au Canada, Mark Carney élu nouveau chef du parti au pouvoir et futur Premier ministre à la place de Justin Trudeau En face, le chef conservateur veut convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux promettant d’incarner un changement en réduisant les impôts et les dépenses. « La trajectoire sur laquelle nous nous trouvons après cette décennie libérale perdue conduira à plus de désespoir, plus d’inflation et des coûts plus élevés si elle se poursuit », a-t-il déclaré jeudi. Mais la campagne ne lui aura pas permis de tordre le cou à l’idée qu’il est proche, par son style et certaines de ses idées, du président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l’électorat, notamment les femmes, selon les analystes. « Tout le monde se sent concerné » Dans ce contexte anxiogène encore exacerbé avec le drame survenu à Vancouver samedi, beaucoup de Canadiens voient ce scrutin comme historique : ils sont plus de 7 millions à avoir déjà voté par anticipation pendant le week-end de Pâques sur les 28,9 millions d’électeurs appelés aux urnes. Cette élection « est définitivement plus importante et différente » des autres, en raison de « tout ce qui se passe avec les États-Unis », estime auprès de l’AFP Nathalie Tremblay. « Je pense que tout le monde se sent concerné », souligne cette habitante de Montréal qui espère l’élection d’un « gouvernement fort ». À lire sur le sujet Droits de douane : Trump menace l’UE et le Canada de nouvelles taxes s’ils se coordonnent au détriment des États-Unis Simon-Pierre Lépine s’inquiète, lui, surtout de « dix nouvelles années de régression » si les libéraux, au pouvoir depuis 2015, forment à nouveau un gouvernement. Leurs « dépenses trop élevées et leur mauvaise gestion » ont plongé le pays « dans un trou financier », estime l’entrepreneur de 49 ans. Selon les derniers sondages, les libéraux sont crédités d’environ 42 % des votes et les conservateurs de 38 %. Vient ensuite le Nouveau parti démocratique (NPD, gauche) à 9 %, suivi par le Bloc québécois (parti indépendantiste) avec 6 %, et le parti vert à 2 %. « La bonne personne pour ce moment » Les libéraux ont « réussi à imposer Mark Carney comme étant la bonne personne pour ce moment », où il faut faire face aux États-Unis, note Daniel Béland, professeur de sciences politiques à l’université McGill de Montréal. À lire sur le sujet Le temps de la coopération étroite avec les États-Unis est « fini », affirme le Premier ministre canadien Même s’il y a eu des efforts des partis d’opposition « pour changer le sujet de la campagne », ils ont échoué « et la donne n’a pas vraiment changé », ajoute-t-il.