La politique locale est structurée par quelques évidences. « Promettre peu, tenir tout » est une de ces maximes appréciées par de nombreux élus. « Pas de travaux pendant une campagne électorale » en est une autre. Il faut tout boucler avant l’échéance. À moins d’un an des élections municipales, le ballet des tractopelles et des marteaux-piqueurs est donc bien visible (et audible…) dans de nombreuses communes bretonnes. À Saint-Brieuc , sur la place de la Résistance, à Vannes, devant l’hôtel de ville, à Lorient, rue de la Patrie , par exemple. À Rennes, la destruction du parking Vilaine agace des riverains. Et une partie de la ville de Brest s’est transformée en chantier géant pour accueillir une nouvelle ligne de tram et une ligne de bus à haut niveau de service. « C’est classique, il y a un effet d’embouteillage en fin de mandat », expose Maxime Rio, consultant en stratégie territoriale. Le controversé maire de Montpellier, Georges Frêche, résumait ainsi ses mandats de six ans : « Deux années de bagarres, deux années d’impôts, puis deux années de rubans. » En 2020, à trois mois des municipales, une étude de l’Insee sur plusieurs mandats a mis en évidence l’existence d’un « cycle électoral ». « Les administrations publiques locales ajustent en partie leur comportement d’investissement par rapport à l’échéance du scrutin », observait le statisticien Mikaël Beatriz. L’investissement des collectivités connaît une croissance moyenne de 9 %, l’année qui précède une élection, dont 4,1 points sont attribuables au cycle électoral, selon les modèles de l’Insee. L’investissement ralentit ensuite, par contrecoup. Les statistiques de la Fédération nationale des travaux publics montrent la même tendance sur la période 1983-2014. Est-ce toujours le cas ? « Avec le covid, il y a eu un retard à l’allumage en début de mandat, rappelle Maxime Rio, cofondateur du cabinet Partie Prenante. Est-ce que cela va atténuer ou accentuer cet effet d’augmentation des investissements dans les 18 derniers mois ? La conjoncture budgétaire difficile, avec une baisse des dotations et un ralentissement des appels à projet, a aussi pu inciter des communes à adopter une posture de prudence. » « Livrer avant l’élection, cela permet de rendre les clés. Nous avons été élus avec ce projet, cela montre que la promesse a été tenue. L’équipe qui repart en campagne peut dire aux gens qu’ils peuvent juger sur pièces. » Président de l’Association des maires des Côtes-d’Armor, président de Saint-Brieuc Armor Agglomération et maire de Plérin (22), Ronan Kerdraon a le sentiment que « la frénésie des inaugurations est moins importante maintenant qu’il y a quelques années. Entre les années covid et les contraintes budgétaires, le contexte de ce mandat a été particulier. Mais il y a une volonté de terminer les projets lancés ! » À lire sur le sujet Changement des règles pour les élections municipales : votre commune est-elle concernée ? Découvrez-le avec notre moteur de recherche À Brest, par exemple, les nouvelles lignes de transport en commun doivent être inaugurées en février 2026… juste avant les élections municipales et communautaires. « Dès 2019, avant les dernières municipales, nous savions que ce projet se terminerait en 2026 », assure Yohann Nédélec, vice-président de Brest métropole, qui présentait, samedi, la nouvelle configuration du bourg de Lambézellec, qui accueillera ce bus à haut niveau de service. Mais l’élu délégué aux mobilités reconnaît que « livrer avant l’élection, cela permet de rendre les clés. Nous avons été élus avec ce projet, cela montre que la promesse a été tenue. L’équipe qui repart en campagne peut dire aux gens qu’ils peuvent juger sur pièces. C’est plus honnête, plus cohérent. » « L’électeur est aussi un contribuable… » L’intérêt politique est évident : « La période de travaux est source de nuisances, alors que celle de l’ouverture des projets est celle où les bénéfices sont visibles », pose Maxime Rio. Selon lui, ce phénomène ne résulte pas toutefois pas uniquement de calculs électoraux. Il peut même être « le signe d’une bonne santé démocratique » : « Au début de la mandature, on construit la vision d’ensemble, les projets. On s’assure que les débats de la séquence électorale sont digérés dans les projets qui sont lancés. Il faut plusieurs années pour que tout se mette en œuvre. »