«Aimez-vous les uns, les autres ». Ce n’est pas le slogan d’une ONG pour les droits humains mais la parole de Jésus. A l’heure où une partie de la sphère politique souhaite un retour aux valeurs « judéo-chrétiennes » de la France, jetant l’opprobre sur les « wokes », dans quel camp se situerait aujourd’hui Jésus ? Etait-il « woke » avant l’heure ? On tente d’y répondre avec Michel Younés. « La particularité de Jésus est qu’il n’est pas un conformiste, ne se laisse pas enfermer dans un cadre établi, explique le professeur, doyen de la faculté de théologie de l’Ucly à Lyon. Il a déplacé des idées préconçues pour retourner au cœur de l’humain. Mais on ne peut pas le considérer pour autant comme anarchiste, comme ont pu l’aborder certains écrits au XIXe siècle. » Alors « woke » ou pas « woke », le Christ ? « Si on parle des valeurs du wokisme pour combattre l’oppression, Jésus serait woke à 100 %. C’était tout son combat. Contre l’oppression, l’esclavagisme et pour le droit à la dignité humaine. Il a donné un autre sens à la différence, sans vouloir la supprimer. En revanche, il ne s’inscrit pas en dehors du cadre biologique, mais ce n’est pas une barrière pour rencontrer l’autre », détaille le théologien. Et concernant les droits des femmes ? « Jésus était entouré d’hommes et de femmes, ce qui n’était pas courant à l’époque. Il était pour le respect des femmes. Il a d’ailleurs interdit qu’on lapide une femme jugée pécheresse en renvoyant ses bourreaux à leurs propres péchés. » « La condition humaine telle qu’elle est » Pourfendeur de l’opulence et de la richesse, proches des pauvres et des marginalisés… C’est un Jésus très moderne qui est décrit par le théologien. Mais pas pour tous les combats « wokes » d’aujourd’hui. « Pour la question LGBT+, il n’y avait pas la même visibilité, nous n’en avons pas de traces en tout cas. Ce qui est certain, c’est qu’il a pleinement assumé la condition humaine telle qu’elle est », développe le professeur Michel Younès. « Jésus prônait le respect sans pour autant tout accepter, poursuit le doyen. On peut avoir une parole de conviction sans être condescendant envers l’autre. » Hypocrisie ou pas ? Serait-il critiqué aujourd’hui par les plus conservateurs pour ses messages de paix et d’ouverture ? « Vous auriez détesté Jésus et l’auriez déporté aujourd’hui », estime l'influenceuse américaine Chandler Roberson sur Tiktok, appuyée par 1,1 million de likes. On laissera répondre feu le pape François : « C’est de l’hypocrisie de se dire chrétien et de chasser un réfugié ou quelqu’un qui cherche de l’aide, quelqu’un qui a faim ou soif, de rejeter quelqu’un qui a besoin de mon aide…, disait le souverain pontife. Si je dis que je suis chrétien mais que je fais ces choses, je suis un hypocrite. »