Le ministre brésilien des Affaires étrangères, Mauro Vieira (au centre), s’exprime lors de la première réunion des ministres des Affaires étrangères des BRICS à Rio de Janeiro, au Brésil, le 28 avril dernier. (Rio de Janeiro) Le Brésil, qui assure la présidence tournante des Brics, a appelé lundi à renforcer le multilatéralisme pour en finir avec les guerres à Gaza et en Ukraine, lors d’une réunion sur laquelle plane aussi la guerre commerciale lancée par Donald Trump. Lucia LACURCIA et Louis GENOT Agence France-Presse « Notre rôle comme groupe est plus vital que jamais », a affirmé le ministre brésilien des Affaires étrangères, Mauro Vieira, en ouvrant à Rio de Janeiro une réunion des chefs de la diplomatie du bloc. « Nous faisons face à des crises mondiales et régionales convergentes, avec des urgences humanitaires, des conflits armés, une instabilité politique et l’érosion du multilatéralisme », a-t-il souligné. Outre le Brésil, le bloc compte la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie, l’Indonésie et l’Iran. Sur la guerre à Gaza, le ministre brésilien a appelé à « assurer le retrait total des forces israéliennes de Gaza, la libération de tous les otages et détenus et l’entrée de l’aide humanitaire ». Faute d’accord entre les deux parties sur la prolongation du cessez-le-feu, Israël a repris ses attaques aériennes et terrestres dans le territoire palestinien le 18 mars, et y bloque, depuis le 2 mars, l’entrée de l’aide humanitaire. Ce blocage est « inacceptable », a estimé M. Vieira. Il s’est montré plus en retrait à propos de la guerre en Ukraine, se bornant à appeler à « une solution diplomatique qui respecte les principes et objectifs de la Charte des Nations unies ». La réunion de deux jours s’est ouverte alors que le président russe a fait l’annonce surprise d’une trêve de trois jours du 8 au 10 mai. Kyiv a répondu que Moscou devrait accepter « immédiatement » un cessez-le-feu « global » pour « au moins 30 jours ». Dans leurs derniers rendez-vous, les Brics, dont la Russie est un membre fondateur, se sont contentés de propos « généraux » sur le conflit, sans « aucune condamnation de la Russie de la part des autres membres », rappelle à l’AFP Roberto Goulart Menezes, professeur de relations internationales à l’université de Brasilia. Taxes douanières En rejetant « l’unilatéralisme », le chef de la diplomatie brésilienne n’a désigné personne, mais la guerre commerciale lancée par Donald Trump contre le monde, et en particulier contre la Chine, poids lourd du bloc des émergents, est dans toutes les têtes. Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président américain a imposé des droits de douane d’au moins 10 % à la plupart des partenaires commerciaux des États-Unis, et une surtaxe distincte de 145 % sur la majorité des produits chinois entrant sur le territoire des États-Unis. Pékin a riposté en mettant en place ses propres surtaxes de 125 % sur les produits américains. Les Brics représentent presque la moitié de la population mondiale et 39 % du PIB mondial. Une question sensible est celle des transactions en devises non américaines au sein du groupe, abordée en octobre lors du dernier sommet du bloc à Kazan, en Russie. Le ministre Vieira s’est employé à déminer : « Un des projets est la réalisation d’échanges commerciaux dans les monnaies locales […], mais il n’y a aucun projet de substitution ou de création de nouvelles monnaies ». « Ce qu’il y a, c’est l’intérêt pour des transactions aux coûts réduits. » Même son de cloche du côté de son homologue russe Sergueï Lavrov : dans un entretien au journal brésilien O Globo, il a jugé « prématurée » l’idée de « discuter d’une transition vers une monnaie unique ». Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 100 % aux pays concernés s’ils tentent de mettre fin à la domination internationale du dollar. Le Brésil fait partie des pays les moins durement frappés par les nouveaux droits de douane (il a écopé de 10 %) et devrait donc plaider pour une posture prudente en matière commerciale. Dans la déclaration finale, attendue mardi et non lundi après-midi comme initialement évoqué, le changement climatique devrait occuper une place de choix à quelques mois de la COP30, la conférence climat de l’ONU, prévue en novembre à Belem, en Amazonie brésilienne. La réunion des ministres des Brics, qui seront rejoints mardi par les représentants des pays non membres, mais associés, est censée préparer le sommet des chefs d’État prévu les 6 et 7 juillet, également à Rio.