« On fait un jeu ? »… Ces relous qui viennent toujours avec un jeu de société en soirée
Le voisin du premier étage qui tient absolument à prendre l’ascenseur avec vous. La caisse du supermarché qui n’avance plus à cause de ce client parti peser à la dernière seconde des courgettes qu’il pensait « à la pièce ». Le sadisme de votre pote dont la passion est de spoiler les meilleures séries/films de la Terre. L’idée de départ est simple : s’intéresser à ces petits gestes « relous » qui nous titillent au quotidien. A ce « sentiment de toute-puissance qui nous fait dire “si je ne le fais pas, l’autre le fera, donc autant le faire moi” », comme le décrit le psychologue Robert Zuili, auteur du Pouvoir des liens (éd. Mango, septembre 2023). Ces petites choses reloues, elles sont légion. Et surtout, surtout, elles nous concernent tous. Car finalement, « nous sommes tous le relou de quelqu’un ». Le fait relou C’est vendredi soir. On en a tous plein le dos de la semaine de boulot et on a hâte de passer une bonne soirée avec les potes. En buvant un peu, en mangeant des bricoles et surtout en rigolant beaucoup. Mais il y a cet invité relou. Encore plus pénible que celle qui veut parler de politique, encore plus irritant que celui qui fait la gueule, encore plus agaçant que le pote trop vite saoul qui gâche l’ambiance, il y a cette personne qui vient avec… un jeu de société. Jeu d’ambiance pour « se fendre la poire », jeu de stratégie pour « se creuser les méninges », jeu coopératif pour « créer du lien »… Il a toujours un argument pour nous vendre son jeu. On dit « non », il revient à la charge. On dit « plus tard », il demande quand. On dit qu’on est fatigué, il répond « mais c’est super simple, regarde. Le but du jeu, c’est de collecter 153 meeples en 64 tours, il y a 7 actions possibles, et tu peux aussi faire ritournelle… » Bref, si on ne cède pas, c’est relou, et si on cède, c’est relou aussi. Parce que personne ne comprend rien aux règles, qu’il y en a toujours un qui ne suit pas et à qui il faut réexpliquer, ou parce qu’il y a un mauvais perdant dans l’assistance… Le jeu de société est l’ennemi public numéro 1 des soirées réussies. Pourquoi c’est mega relou ? L’époque est aux jeux de société. Depuis quelques années (en gros : depuis le confinement), c’est même carrément à la mode. Il y a des tonnes de jeux qui sortent et de plus en plus qui deviennent de nouveaux classiques. Avant on ne devait jouer qu’avec les gosses ou pendant les vacances en Bretagne, quand il pleuvait, on sortait le Mille Bornes ou le Trivial Pursuit 1992 et c’était marre. Mais maintenant que les geeks ont pris le pouvoir, on n’échappe plus aux 7 Wonders, Catan et autres Code Names. 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Les arguments des relous Celle qui en parle le mieux, c’est peut-être Cynthia Reberac, commissaire générale du Festival International des Jeux de Cannes, grand-messe annuelle des lanceurs de dés. « « Aujourd'hui le jeu de société défend des valeurs d'objet culturel à part entière. Il va s'inscrire dans ce modèle de recherche de diversité des expériences culturelles et dans un contexte de créativité. Tout comme il y a autant de livres qu'il y a de lecteurs, il y a autant de jeux que de joueurs. N'importe qui peut être intéressé par ces loisirs et ces cultures ludiques, n'importe qui aime jouer. Quand on est enfant, on ne se pose pas la question de savoir si ça va être bien ou mal vu de jouer. Mais il y a des adultes qui ne jouent plus par peur de perdre ou de ne pas comprendre les règles... Or, aujourd'hui, il y des jeux pour tous les publics sans exception. » » Avec une avocate pareille, les fans de jeux de société peuvent être sereins. Leur loisir est cool, inclusif, en vogue. Il prône des valeurs universelles. Que dit la science ? Disons-le tout de (jeu de) go : la science n’est pas notre alliée dans la lutte contre le jeu de société. Leurs nombreuses vertus sont désormais bien documentées via des études scientifiques. En 2009, l’Inserm a observé que le cerveau de seniors qui jouent à des jeux « stimulants intellectuellement » ont moins deux fois moins de risque de démence et de maladie d’Alzheimer. A tel point que la promotion du jeu de société chez les seniors « pourrait constituer une intervention pertinente de santé publique. Face au vieillissement de la population, il est essentiel de développer des stratégies de prévention permettant de repousser les pathologies liées à l’âge. » Du côté des enfants, les jeux de société facilitent aussi les apprentissages. « On constate, c’est que le fait de jouer au jeu va développer un éveil émotionnel positif chez les enfants, explique Léa Martinez, doctorante en psychologie qui s’intéresse à l’impact des jeux de société sur le développement des fonctions cognitives. Apprendre les règles d’un jeu permet en réalité d’acquérir d’autres apprentissages comme des compétences sociales ou émotionnelles. » Le truc infaillible pour faire comprendre au relou qu’il est relou Le fan de jeux de société a une arme absolue : son enthousiasme. Il est là, avec un grand sourire et un sincère désir de partage, à tendre sa boîte de jeu… A première vue, il n’y a donc aucune solution pour lui faire comprendre une fois pour toutes - sans passer soi-même pour un cuistre - que « tu saoules avec tes jeux, là. » Après tout, il veut sincèrement notre bien. Il existe cependant deux solutions. La première consiste à trouver la faiblesse de votre joueur et l’exploiter. Si, par exemple, il est agoraphobe, proposez-lui régulièrement (et gentiment) des sorties ciné ou concert. S’il n’aime pas le sport, suggérez-lui un tennis ou un footing. S’il est pudique, proposez-lui un spa. S’il est difficile sur le plan culinaire, invitez-le dans des restaurants improbables… Peut-être comprendra-t-il que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Et de propositions de jeu non sollicitées… L’autre solution a notre préférence. Elle consiste à… céder. Et oui… En réalité, les jeux de société, il n’y a rien de mieux. Si un ami vous propose de vous entraîner dans ce monde merveilleux, plongez-y avec délice en remerciant le sort d’avoir mis cette personne sur votre chemin.