Dans les territoires, le défi quotidien du «vivre ensemble»

Face à la défiance des citoyens vis-à-vis de l’Etat, des institutions ou de la politique, quel rôle peuvent jouer les collectivités locales ? Tel était l’objet d’un colloque organisé à Rouen par le Centre national de la fonction publique territoriale. Un événement dont Libération est partenaire. «Quand ce monde bascule, le quotidien de proximité prend une dimension encore plus importante. On a besoin de se raccrocher à quelque chose de l’ordre de l’homéostasie, diraient les biologistes : une sorte de stabilité locale qui nous permet de se dire que quand tout tangue, il y a encore des repères. Et ces repères ce sont nos territoires», a posé Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, en ouvrant le colloque organisé dans la ville de Seine-Maritime, début mars, par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) sur le thème «Renouveler notre pacte social, un défi pour les territoires». Réunissant élus, cadres de la fonction publique territoriale ainsi que de nombreux chercheurs et sociologues, ces rencontres ont permis aux quelque 600 participants d’échanger durant deux jours sur la question de la «cohésion sociale» et du «vivre ensemble». Des notions défendues par Yohann Nédélec, président du CNFPT et adjoint au maire de Brest (Finistère) : «Notre système démocratique est contesté, nos valeurs sont remises en cause, la science est attaquée. Finalement, on ne croit plus en rien ! C’est pour cela qu’il est essentiel de questionner et de réinventer les fondements de notre cohésion sociale et de notre vie démocratique.» Les deux hommes ont dressé un constat identique, face à ce «désamour» des Français, à cette «défiance» des citoyens envers l’Etat et ses institutions. Pourtant et de l’avis de tous – chercheurs, élus, dirigeants –, les collectivités territoriales restent les mieux placées pour tenter de renouer avec les habitants. «Les services publics locaux sont en première ligne pour maintenir la cohésion sociale», rappelle ainsi Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop. «Des espaces de concertation» D’où l’idée d’organiser une vaste réflexion sur cette notion de pacte social. «Nous sommes un formidable observatoire de ce qui se passe dans les territoires, a souligné France Burgy, directrice générale du CNFPT. Et nous avons vu apparaître de plus en plus de questions sur la cohésion sociale de la part des directeurs et agents territoriaux. Des inquiétudes, des craintes, mais aussi des initiatives déjà lancées et surtout une véritable envie de faire.» Et il y a urgence ! «24 % des Français disent ne pas avoir le sentiment de faire partie de la société française», rappelle Jérôme Fourquet. C’est inquiétant. Les élus ont aussi rappelé l’importance du débat dans la vie démocratique, même si celui-ci n’est pas toujours évident. «On ne sait plus débattre», a affirmé Murielle Fabre, vice-présidente de l’eurométropole de Strasbourg et secrétaire générale de l’Association des maires de France. D’où la nécessité de réapprendre à dialoguer et d’ouvrir des espaces de discussions, de concertation et surtout de coconstruction. Comme le souligne le chercheur Dorian Dreuil, de la Fondation Jean-Jaurès, le «aller vers» ne suffit plus, il faut s’orienter vers le «faire avec». Car tel est bien l’enjeu. Mais attention, «il faut éviter à tout prix le : “Débattez, on prend note mais on ne tient pas compte de ce que vous dites”», souligne Virginie Lutrot, vice-présidente de la région Normandie. A nous de créer ces espaces de concertation en leur attribuant un vrai rôle.» La démocratie participative, ne doit donc pas se cantonner à un rôle de «vitrine». C’est ce qui est d’ailleurs apparu dans la plupart des nombreux ateliers thématiques du colloque. Qu’il s’agisse des questions de sécurité, de santé, de l’implication des jeunes dans la vie locale ou du «déni démocratique» largement ressenti, le fil rouge est bien toujours celui du «faire ensemble». «Ne pas faire semblant» Alors que faire ? «A chacun d’inventer sa méthode», estime le maire d’Allons (Alpes-de-Haute-Provence), Christophe Iacobbi. «Mais surtout ne pas faire semblant», insiste Christophe Bouillon, maire de Barentin (Seine-Maritime). Et pour cela «nous devons nous former à ces nouveaux systèmes ou fonctionnements démocratiques», conclut Séverine Battin, directrice générale des services du département de l’Isère. Comment dialoguer avec un usager, expliquer un refus, partager les connaissances… «La question centrale du pacte social doit dorénavant irriguer l’ensemble de nos formations», a ajouté France Burgy, du CNFPT.