L’Iran et les Etats-Unis, ennemis depuis la Révolution islamique en 1979, ont échangé pendant quatre heures samedi à Rome sur le programme nucléaire iranien, une semaine après des premières discussions. Pilotées par le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, et l’envoyé américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, les discussions ont débuté vers 11 h 30 (heure française), selon la télévision d’Etat iranienne et un responsable américain. Ces négociations «indirectes», comme lors de la précédente session à Mascate, se sont tenues à la résidence de l’ambassadeur d’Oman, le chef de la diplomatie du pays du Golfe assurant la médiation, avait indiqué le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Esmaïl Baghaï, à la télévision d’Etat iranienne. «Les deux délégations sont dans des pièces séparées» entre lesquelles le ministre omanais «convoie les messages des deux parties», avait-il détaillé. «L’atmosphère des discussions a été constructive», a indiqué après la rencontre une envoyée spéciale de la télévision d’Etat iranienne. L’agence Tasnim évoque également une «atmosphère constructive». «C’était une bonne réunion et je peux dire que les négociations avancent», a affirmé Abbas Araghchi à la télévision d’Etat iranienne. «Les Américains n’ont jusqu’à présent soulevé aucune discussion en dehors de la question du nucléaire» iranien, a déclaré le chef de la diplomatie iranienne à l’agence de presse iranienne Tasnim. L’Iran et les Etats-Unis tiendront une troisième session de pourparlers sur le nucléaire samedi prochain dans un lieu qui n’a pas été précisé, a indiqué samedi le porte-parole de la diplomatie iranienne. «Les deux parties sont convenus de poursuivre ces discussions indirectes dans quelques jours au niveau technique, avant d’en organiser une autre (...) samedi prochain», a écrit sur X Esmaïl Baghaï. Politique de «pression maximale» Il s’agit de la deuxième réunion à ce niveau depuis le retrait américain, en 2018, sous la première présidence de Donald Trump, de l’accord international sur le nucléaire iranien qui prévoyait un encadrement des activités de l’Iran dans ce domaine en échange d’une levée des sanctions. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a relancé sa politique dite de «pression maximale» contre l’Iran, avec lequel les Etats-Unis n’ont plus de relations diplomatiques depuis 1980. Il a appelé en mars le pouvoir iranien à négocier un nouvel accord, mais a menacé de bombarder l’Iran en cas d’échec de la diplomatie. Donald Trump a toutefois affirmé jeudi qu’il n’était «pas pressé» d’utiliser l’option militaire. «Je pense que l’Iran veut discuter», a-t-il souligné. La délégation iranienne est arrivée à Rome dans la nuit, selon des images diffusées par la télévision d’Etat iranienne, montrant Abbas Araghchi descendant d’un avion. A la veille des discussions, Abbas Araghchi a fait part de ses «sérieux doutes» quant aux intentions des Etats-Unis. «Nous sommes conscients que le chemin» vers un accord «n’est pas sans embûches», a écrit samedi sur X, Esmaïl Baghaï. L’Iran proche de l’arme atomique Les pays occidentaux et Israël - ennemi juré du pouvoir iranien - soupçonnent l’Iran de vouloir se doter de l’arme nucléaire. Téhéran rejette ces allégations et défend un droit au nucléaire à des fins civiles, notamment pour l’énergie. Dans un entretien au journal français Le Monde publié mercredi, le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a affirmé que l’Iran n’était «pas loin» de disposer de la bombe atomique. Après le retrait américain de l’accord de 2015, et le rétablissement de sanctions américaines, Téhéran a pris progressivement ses distances avec le texte, en représailles. Le pays enrichit de l’uranium jusqu’à 60 %, bien au-dessus du plafond de 3,67 % qui lui a été fixé, restant toutefois en deçà du seuil des 90 % nécessaires à la fabrication de l’arme atomique, selon l’AIEA. Le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio a appelé les Européens, membres de l’accord, à prendre rapidement une «décision importante» concernant le «rétablissement des sanctions» internationales à l’encontre de l’Iran, car il «ne respecte clairement pas l’accord actuel». «Lignes rouges» L’Iran insiste pour que les pourparlers se limitent au nucléaire et à la levée des sanctions, et considère comme «ligne rouge» l’arrêt de toutes ses activités. Abbas Araghchi a encore mis en garde vendredi les Etats-Unis contre «des demandes déraisonnables», après que Steve Witkoff a réclamé en début de semaine un démantèlement total du programme nucléaire, y compris civil. Les Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de la République islamique d’Iran, ont eux exclu toute discussion sur les capacités militaires et de défense, dont le programme balistique qui inquiète à l’international. L’influence régionale de l’Iran figure aussi parmi «les lignes rouges» du pays, selon l’agence de presse officielle Irna. Téhéran soutient dans la région ce qu’il qualifie d’«axe de la résistance», une alliance de groupes armés hostiles à Israël incluant le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais, les rebelles Houthis du Yémen, et des milices chiites en Irak. Après le lancement des pourparlers irano-américains, Israël a réaffirmé sa détermination à empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire, disant disposer d’un «plan d’action» pour ce faire. Le sultan d’Oman à Moscou mardi 22 avril Le président russe Vladimir Poutine s’entretiendra mardi 22 avril à Moscou avec le sultan d’Oman Haitham bin Tarik, dont le pays fait office de médiateur dans le dossier du nucléaire iranien, ont annoncé samedi les deux pays. « Le 22 avril, Moscou accueillera des entretiens entre Vladimir Poutine et le sultan d’Oman Haitham bin Tarik al Said, qui effectue une visite d’Etat en Russie», a indiqué le Kremlin sur Telegram. Les deux dirigeants discuteront de coopération bilatérale dans divers domaines, y compris économique, et des «questions d’actualité à l’ordre du jour international», a-t-il ajouté. Les autorités d’Oman ont confirmé cette visite en Russie lundi et mardi.