Dans la salle d’attente du centre de santé de Saint-Hilaire-de-Brethmas (Gard), deux dames patientent sagement. Contrairement à huit millions de Français qui vivent dans un désert médical, les 4.616 habitants de ce village cévenol ne connaissent pas de problème d’accès aux soins de premier recours. La commune compte quatre médecins généralistes. Parmi eux, trois salariés-retraités qui se partagent l’équivalent d’un poste. Le quatrième, Adrien Lamidieu, un quadragénaire, est lui à plein temps. C’est-à-dire à 35 heures par semaine. Car ici, tous sont salariés. Leur employeur est un groupement public (GIP), dont la région Occitanie a impulsé la création. Baptisé « Ma santé, Ma Région », il est composé de 36 collectivités, d’un réseau d’experts comprenant les universités de médecine de Toulouse et Montpellier, et d’institutions comme l’Ordre régional des médecins. Parmi ses attributions, le GIP emploie une centaine de généralistes. L’objectif est d’en convaincre le double d’ici 2027. Seulement 5,5 % de médecins salariés Saint-Hilaire-de-Bretmas est l’un des 22 centres essaimés sur la région. Il a ouvert en 2023, quelques années après la retraite du dernier docteur en exercice. « Etre médecin salarié permet d’intégrer une structure qui offre la gestion de toute la logistique pour se consacrer pleinement au temps médical », développe Adrien Lamidieu. Après dix ans d’études, et autant d’années à effectuer des remplacements, il a pris le contrepied de la majeure partie des généralistes en France. Selon l’Ordre national des médecins, ils étaient 85 % à exercer en libéral au 1er janvier 2023, contre 5,5 % comme salarié, les autres ayant une activité mixte. Des chiffres faibles, mais en progression. Le GIP permet aux médecins d’intégrer des locaux tout équipés, avec un secrétariat partagé, tout en bénéficiant de la prise en charge des démarches administratives et financières avec l’agence régionale de santé et l’Assurance maladie. Les salaires proposés varient entre 4.700 et 6.400 euros. « Financièrement, les montants sont inférieurs à ceux en libéral, mais les deux statuts ne sont pas comparables, reprend le médecin. Lorsqu’on est salarié, on ne travaille pas sur les mêmes rythmes, ni avec les mêmes contraintes. J’estime que la qualité de vie gagnée vaut largement le coup. » « Cela permet d’exercer la médecine tout en ayant un certain contrôle de l’impact sur nos vies familiales », souligne Adrien Lamidieu. Avant de s’engager contractuellement, la question du conjoint et des enfants est souvent centrale. Le GIP active alors ses réseaux pour aider à leur épanouissement. « On y consacre beaucoup d’énergie, car pour un médecin, le choix du salariat en milieu rural n’est pas le plus évident », note la présidente de la région Occitanie, Carole Delga (PS). Les parlementaires planchent actuellement sur une possible régulation de l’installation des médecins, en fermant l’accès automatique aux territoires les mieux pourvus pour flécher leur venue vers les déserts médicaux. Une décision qui se heurte à l’opposition farouche des praticiens. La région Occitanie, face à la pénurie, tente une autre carte, celle de la séduction. « Dans la moitié des centres de santé, des maîtres de stages universitaires encadrent des internes. » Avec l’espoir de donner envie aux futurs médecins, sitôt le diplôme en poche, de devenir à leur tour salariés du GIP. « Les deux statuts sont tout à fait viables. Mais j’invite mes confrères et mes consœurs qui hésiteraient, à franchir le pas du salariat », conclut Adrien Lamidieu, visiblement ravi de son choix.