Pas facile tous les jours d’être la meilleure série Star Wars pondue à ce jour par Disney depuis l’achat de la licence. Surtout en tant que spin-off préquel au meilleur film Star Wars pondu à ce jour par Disney depuis l’achat de la licence. Forcément, la couronne pèse lourd sur la tête de ce pauvre Tony Gilroy, co-scénariste de Rogue One et responsable d’Andor. Trois ans qu’on attend que le bonhomme dévoile enfin la saison 2 de son bébé, touchée comme tout le monde par la grève des scénaristes qui a frappé Hollywood. D’autant qu’il ne l’avait pas caché, Andor n’aura pas de saison 3, les événements de cette seconde fournée rattrapant ceux de Rogue One. Ce n’est donc pas pour lui mettre la pression, mais ce retour doit à la fois être à la hauteur de la première saison, et clôturer convenablement les intrigues avant l’arrivée de Jyn Erso. Aucune pression on a dit. L’histoire d’Andor saison 2 débute un an après la fin de la première, soit quatre ans avant la bataille de Yavin, moment majeur de l’Épisode IV, Un Nouvel espoir. Et à partir de là… il nous est impossible de vous dévoiler les détails sans prendre le risque de vous gâcher des moments-clés du récit. Basiquement, cette saison va s’attacher à montrer la mise en place de la Rébellion et le projet Étoile de la Mort de l’Empire, avec un Cassian toujours plus actif. Bref, on ne vous apprend rien, néanmoins, on vous conseille de vous faire une piqûre de rappel de la première saison avant de vous lancer. Sachez, cependant, que le récit de saison a été découpé en quatre segments distincts de trois épisodes, avec des sauts dans le temps entre eux. On part donc de 4 ans avant Yavin pour finalement arriver à la première scène de Rogue One. Un découpage qui va avoir une grande importance dans le scénario, mais également dans notre appréciation globale de la série. Vu et s’en tape Il ne fallait pas compter sur Gilroy pour contrevenir à ses principes. Si Andor saison 1 se démarquait des autres productions Disney au sein de la Galaxie lointaine, très lointaine, la deuxième ne pouvait que suivre ses traces. À une époque où The Mandalorian ou Ahsoka sont des foires au fan-service, l’histoire d’Andor n’est pas dictée par l’univers Star Wars, c’est l’univers Star Wars l’outil du scénario. Le showrunner est le seul maître à bord et on sent que le succès du show lui permet d’avoir carte blanche, d’autant plus avec cette seconde saison. Concrètement, cela se ressent sur le tronçon écrit de la main de Gilroy lui-même, soit les trois premiers épisodes. Une partie déroutante par ses longueurs et une intrigue qui semble faire du surplace. Malgré quelques scènes fortes, on pourrait presque structurer le nécessaire autour d’un seul épisode. Sauf qu’il s’agit là de la profession de foi d’Andor. Soit une série qui n’a toujours eu que faire de nos attentes, de nos désirs. Andor est un show où le personnage surpasse la grande histoire, car ce sont leurs rôles dans cette dernière qui la font exister. Tel un jeu d’échec, la suite de la série va simplement mettre à profit les pions avancés par Gilroy dans ce premier segment, mais toujours en prenant grand soin de suivre la voie tracée, ne se souciant pas du qu’en pensera-t-on. Beaucoup de questions laissées en suspens à l’issue de la saison 1 ne trouveront pas de réponse, créant autant un sentiment de frustration qu’un plaisir de voir où Gilroy veut nous emmener, sans emprunter les chemins balisés. On n’a pas ce qu’on attend, et cela fait du bien. Quatre séries en une Bien que les deux premiers arcs narratifs aient été confiés à la réalisation d’Ariel Kleiman, les deux suivants ont été mis entre les mains de Janus Metz et Alonso Ruizpalacios. De même, si Gilroy prend le premier quart, Dan Gilroy, Beau Willimon, et le nouvel arrivant Tom Bissell prennent la responsabilité de leurs parties. Un procédé créatif loin d’être anodin puisqu’avec les ellipses comme point de séparation, cela offre une identité unique à chacun des quatre segments. Chaque scénariste et réalisateur possèdent leur propre morceau d’histoire et à leur charge de la mener à bien, avec Gilroy en garant de la cohérence globale. Cela donne à Andor saison 2 un style bien à part, même face à la saison 1, avec une montée en puissance crescendo au fur et à mesure qu’on se rapproche de Rogue One, mais, surtout, chaque partie va proposer des séquences uniques, des moments forts, parfois oniriques, parfois spectaculaires, souvent tragiques. Une rébellion est faite de sacrifices Il y a néanmoins une faille dans cette stratégie, car si on sent que Gilroy peut prendre son temps sur sa partie, le pauvre Bissell s’impose un rythme au pas de course, l’échéance Rogue One arrivant. Et c’est peut-être là le défaut dans la cuirasse, Rogue One. L’approche des événements décrits dans les films est une épine dans le pied d’une saison 2 confondant parfois vitesse et précipitation. Si la frustration de ne pas avoir ce qu’on désirait est à mettre au crédit de la saison, celle de voir la série passer sous silence des intrigues qu’elle a elle-même créées par manque de temps ne joue pas en sa faveur. Le coup des ellipses est effectivement un moyen malin de faire avancer l’histoire sans avoir à s’attarder sur tous les éléments du récit, mais de l’autre côté cela occulte parfois trop souvent des passages importants de ce même récit. Et les premiers sacrifiés sont les personnages pourtant tant appréciés par Gilroy. Un protagoniste central se transforme en secondaire, un secondaire devient principal puis disparaît, le retour raté de personnages emblématiques faute d’espace pour exister… il y a une sorte de jeu des chaises musicales où il n’y a plus assez de temps pour tout le monde et l’importance d’arriver au bout prend parfois le pas sur la construction scénaristique logique. Comme si la grève des scénaristes et la volonté de ne pas aller sur une saison 3 avaient provoqué nombre de compromis et de coupures qui se ressentent dans le résultat final. Il est toujours plus facile de commencer que de conclure et Andor en est une belle preuve. Pas que cette saison 2 soit un échec, très loin de là, mais en ayant conçu un show et un film qui se complètent, Gilroy a également permis qu’ils se sabotent. Et le pire, c’est qu’on ne voit même pas comment il aurait pu faire mieux, les sacrifices se faisant davantage par nécessité que par envie.