Droits de douane : « Les Etats-Unis ont capitulé » … Comment la Chine est en train de gagner son bras de fer avec Trump
En économie, le Donald Trump aboie fort, mais ne mord pas forcément. Après avoir montré les muscles au début du mois en annonçant une hausse des droits de douane sur de très nombreux pays, le président des Etats-Unis est vite revenu sur ses positions. Même avec la Chine, seul pays qui subissait encore son courroux économique. Suite à des semaines de surenchères entre les deux géants - et vas-y que je te mets 84 %, et je relance de 125 %… –, Donald Trump a fait un dernier rétropédalage en annonçant mardi que finalement, les Etats-Unis se montreraient « très gentils » avec Pékin au niveau des taxes. Pas de doute donc, sur le possible vainqueur de ce bras de fer. « Les Etats-Unis ont capitulé », estime Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l’analyse de marchés chez eToro. Comment la Chine a-t-elle tordu le biceps américain ? Quatre leçons de guerre économique. Etre indispensable A l’échelle mondiale, la Chine contrôle 70 % des terres rares, deux tiers du lithium, 50 % du cuivre et la production de 50 % des batteries de la planète, liste Antoine Fraysse-Soulier. Autant de matériaux indispensables pour les Etats-Unis, et notamment ses fleurons économiques, les Gafam. « Apple, première place boursière mondiale, a appelé les Etats-Unis à infléchir leur position sur la Chine tant cela fragilisait leur business model », cite en exemple l’économiste Philippe Crevel. Si le plan de Donald Trump était d’entraîner, par des droits de douane exorbitants, une relocalisation de l’industrie américaine, ce n’est pas si simple, et ça ne se fait certainement pas en un jour. Au-delà de la high-tech, « la Chine est la première puissance industrielle mondiale », poursuit l’économiste. Elle est là encore indispensable à la (très forte) consommation américaine. Les Etats-Unis importent pour 427 milliards de dollars de produits chinois chaque année, contre des exportations estimées à 147 milliards. Soit une balance commerciale négative de 279 milliards. « Le rapport de force sur des droits de douane était donc naturellement en faveur de la Chine, qui n’a pas encore d’équivalence dans la production mondiale », estime Philippe Crevel. Chatouiller le consommateur d’en face Pour gagner au bras de fer, pourquoi ne pas étrangler votre adversaire ? Solution un peu radicale, certes, mais efficace. Si les Etats-Unis reculent, c’est que les premiers effets du conflit se font déjà sentir (douloureusement) pour les Américains, estime Denis Ferrand, économiste et directeur général de Rexecode, cabinet d’études en conjoncture économique : « Les problèmes d’approvisionnement commencent déjà à mordre le consommateur, au niveau du prix des produits et de leur disponibilité ». A plus grande échelle, « il y a une rapide glissade du dollar et une montée des taux beaucoup trop conséquente. » De quoi sérieusement faire réfléchir Washington. Autre point de pression, pour Antoine Fraysse-Soulier : « 50 % du déficit américain est financé par ses partenaires commerciaux, dont la Chine est le deuxième plus important ». Miser sur les erreurs de l’autre Parfois, le mieux à faire pour remporter un conflit, c’est de laisser votre adversaire faire n’importe quoi. Encore plus facile s’il s’agit de Donald Trump. « La stratégie américaine économique est désordonnée, sans maîtrise, et passe son temps à faire des va-et-vient et des volte-face », nargue Dennis Ferrand, A l’opposé, la stratégie chinoise ne bouge pas ou peu, et se fait sur un temps long, « sans revirement tous les quatre matins », vante Antoine Fraysse-Soulier. Si Donald Trump a rétropédalé face à la Chine, il l’a aussi fait face à l’Europe, au Canada… Autant donc attendre qu’il recule de lui-même. Y aller (un peu) au bluff La Chine a-t-elle un peu bluffé ? Techniquement, oui. Le plan de Xi Jinping consiste bel et bien à moins dépendre des exportations, donc on pouvait faire mine de se moquer des taxes américaines. Mais concrètement, « le vieillissement et le déclin de la population chinoise amoindrissent cette autonomie économique. Le pays continue d’avoir besoin de beaucoup exporter pour que son modèle et sa croissance restent forte », analyse Philippe Crevel. Les Etats-Unis représentent à eux seuls 12 % des exportations chinoises, « et Pékin n’aurait rien eu à gagner à continuer cette surenchère ». Dennis Ferrand invite ainsi à voir au-delà des apparences et du temps court : « Certes, la Chine a remporté la bataille. Mais de là à dire qu’ils ont gagné la guerre économique, il est encore bien trop tôt pour le dire. L’histoire doit encore s’écrire. »