A Nancy, la statue du sergent Blandan, vestige colonial indéboulonnable même pour mon père

Entre la France et l’Algérie, les tensions diplomatiques persistent. Alors que l’écrivain binational Boualem Sansal est toujours emprisonné, en France la droite et l’extrême droite instrumentalisent la mémoire coloniale. Ces polémiques médiatiques et ce bras de fer entre gouvernements ne sauraient éclipser la densité des liens intimes tissés entre les deux sociétés. De la nécessité de reconnaître les crimes de la colonisation à la valorisation d’une culture commune, Libération a voulu donner la parole à des spécialistes de cette relation aussi riche que douloureuse. A la fin des années 1980, mon père, Malek, réalisateur algérien exilé en France, s’installe à Nancy. Un matin neigeux, il se retrouve nez à nez avec la statue du sergent Blandan. Il est stupéfié. Cette statue, il l’avait déjà croisée, enfant, à Boufarik, en Algérie. «Qui est ce soldat ?» avait-il demandé, terrifié, tandis que sa mère lui ordonnait de «manger son orange et de se taire». En pleine guerre d’Algérie, elle avait compris que le silence protège.