La Rive Sud de Montréal se prépare à un boom inouï dans les secteurs de l’immobilier et de la construction, d’après des joueurs majeurs de l’industrie. Mais entre la crise du logement, la pénurie de main-d’œuvre et l’instabilité des prix des matériaux… Les professionnels du secteur anticipent de nombreux défis. Jeudi dernier, plus de 700 professionnels du milieu de la construction, de l’habitation et de l’immobilier ont participé à un sommet sur le futur de l’industrie au Plaza Rive-Sud, à La Prairie. Et le choix de cette adresse n’a rien d’un hasard. « On sait que les 10 à 15 prochaines années vont être majeures [sur la Rive-Sud de Montréal] », partage Jean-Paul Mouradian, vice-président chez Covico Construction et organisateur de la journée, en entrevue avec La Presse. Évidemment, la proximité avec la grande métropole explique en partie cet engouement, selon M. Mouradian, qui est également l’entrepreneur derrière JPM Solutions Marketing. Mais on ne cesse de le répéter : depuis la pandémie et l’implantation massive du télétravail, les Montréalais – ou ceux qui y travaillent partiellement – se dirigent de l’autre côté du fleuve. Et pour cause, le Réseau express métropolitain (REM) y joue un grand rôle malgré les pépins des derniers mois. « On est la première banlieue de Montréal, à quelques minutes du pont Champlain, Jacques-Cartier, Victoria. Puis Longueuil, Saint-Hubert, jusqu’à Candiac, la densité ne peut qu’augmenter », poursuit M. Mouradian. L’un des meilleurs exemples de cet essor ? Le projet Solar Uniquartier, situé à Brossard, à l’une des deux extrémités du REM. Comme le projet a démarré il y a un peu plus de dix ans, l’organisation a dû adapter en cours de route ses espaces stationnements ou encore les aires communes dans les bâtiments résidentiels, en raison des nouvelles habitudes de travail des Québécois. PHOTO KHALIL MJHD, CINERABLE Jean-Paul Mouradian, organisateur de l’événement et vice-président de Covico Construction a prononcé un mot de bienvenue lors de l’événement Évolution du Québec en construction. À l’heure actuelle, le projet est complété à 50 %, a confirmé Laurent Messier, chef de la direction et associé chez Devimco, développeur du projet. « On a 3000 unités résidentielles déjà réalisées, un hôtel, une [RPA], et à peu près un demi-million de pieds carrés de commercial en bureaux », a-t-il précisé, alors qu’il était invité en tant que panéliste durant l’évènement. Les projets de plusieurs entreprises des secteurs industriel et commercial dans les dernières années ont aussi témoigné de cet engouement, notamment Rosefellow, derrière le Pôle industriel Nord Saint-Philippe, et CarbonLeo, qui redéfinit l’avenue des Lumières en rue piétonne dans le Quartier Dix30. D’ailleurs, l’évènement a pu compter sur la présence de la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, et la mairesse de Brossard, Doreen Assaad, en soirée. La « ville dans la ville » Comme le fait remarquer M. Mouradian, les terrains disponibles se font tout de même de plus en plus restreints de ce côté du fleuve. C’est pourquoi on assiste à l’essor d’immeubles en hauteur, ou encore du concept d’écoquartier. PHOTO FOURNIE PAR LE GROUPE BODA Le projet de Candiac du Groupe Boda. C’est le cas du projet d’Écoquartier La Prairie-sur-le-Parc, que développe actuellement le Groupe Boda, tout près de la tenue de l’évènement. La Rive-Sud était très développée sur les bases de la voiture. Maintenant, on est entrés dans une ère de crise du logement, mais aussi de changements climatiques, donc on doit maintenant redévelopper la ville dans la ville. Marie-Sara Hamel, vice-présidente exécutive chez Groupe Boda Le projet de 3400 portes sera mené à terme d’ici une décennie, précise-t-elle. Elle souligne également le projet du Groupe Boda à Candiac, qu’elle qualifie de « projet phare » en raison de la diversité des types de logements offerts. PHOTO MING LI Marie-Sara Hamel, vice-présidente exécutive chez Groupe Boda. Chose certaine, « sur la Rive-Sud, on en a au moins pour encore 50 ans », a affirmé Sara-Marie Hamel. La construction sous-tension Au programme du sommet, intitulé Évolution du Québec en construction (EQCO) : instabilité des prix des matériaux, pénurie de main-d’œuvre, crise du logement, incertitudes liées aux tarifs douaniers, efficacité énergétique… Le monde de la construction et de l’habitation est plus que jamais sous tension, constate l’organisation. « C’est un des secteurs qui est le plus important au Québec. Quand il y a une pause de construction, on le sent, quand les taux hypothécaires augmentent, on le sent », observe Jean-Paul Mouradian. Est-ce plus difficile d’entamer un nouveau projet qu’il y a dix ans ? C’est plus long et plus complexe, affirme Mme Marie-Sara Hamel, qui soulève les freins causés par la vétusté des infrastructures d’eau municipales. Au dévoilement du budget du gouvernement du Québec, en mars dernier, l’industrie de la construction et de l’habitation avait d’ailleurs déploré les faibles investissements dans les infrastructures en eau, malgré la nécessité de leur mise à niveau pour bâtir de nouvelles habitations. L’efficacité énergétique des bâtiments retient également l’attention : même si certains bâtisseurs y accordent déjà une grande importance, il y a encore beaucoup de travail à faire. « Pour être complètement transparent, est-ce que le marché est [prêt] ? Pas vraiment », a affirmé Kristopher Parent, vice-président exécutif chez Rosefellow, lors de sa conférence. Mais dans un avenir pas si lointain, ces mesures d’efficacité énergétique deviendront indispensables aux yeux des consommateurs et amélioreront la compétitivité des bâtiments, a-t-il renchéri. L’évènement EQCO, qui en était à sa première édition, deviendra un rendez-vous pour les dix prochaines années.