Voiture électrique : quatre géants de la recharge s’allient en Europe

Annoncée début avril à Paris, la Spark Alliance entend faciliter la vie des conducteurs de voitures électriques. Elle rassemble quatre acteurs majeurs de la recharge rapide — Electra (France), Ionity (Allemagne), Fastned (Pays-Bas) et Atlante (Italie) — pour former un réseau commun de 1.700 stations et 11.000 points de charge, répartis dans 25 pays européens. Cela permet à l’alliance de dépasser Tesla sur le nombre de stations, même si le géant américain conserve l’avantage sur le nombre total de bornes (18.000 contre 11.000). Un réseau XXL, mais des opérateurs toujours indépendants Mais attention aux effets d’annonce : il ne s’agit ni d’une fusion ni même d’un groupement économique. « Chaque réseau conservera ses stations et ses logos », précise Michiel Langezaal, PDG de Fastned, à Challenges. Les quatre entreprises restent concurrentes et indépendantes. La Spark Alliance se rapproche davantage d’une alliance à la Star Alliance dans l’aviation qu’à une entreprise intégrée. L’objectif affiché est d’offrir une expérience de recharge plus fluide. À partir de juin, les applications mobiles des membres seront interopérables. Concrètement, un utilisateur pourra lancer une recharge chez Fastned via l’appli d’Electra, ou régler chez Atlante en utilisant l’interface d’Ionity. La fonction « plug & charge » sera également étendue : si le véhicule est enregistré chez l’un des opérateurs, il pourra se recharger automatiquement sur n’importe quelle borne de l’alliance. Malgré la belle image de coopération, les bénéfices immédiats pour les automobilistes restent limités. Les tarifs préférentiels ne sont pas partagés entre les membres. Un abonné Electra paiera donc le prix fort chez Ionity, et vice-versa. Un abonnement commun est évoqué pour septembre, mais rien n’est encore confirmé. Pour les utilisateurs de badges d’interopérabilité ou ceux qui règlent par carte bancaire, rien ne change non plus. Ce statu quo s’explique par les origines différentes des partenaires. Atlante, Fastned et Electra sont des entreprises indépendantes spécialisées dans la recharge, tandis qu’Ionity est un consortium soutenu par plusieurs constructeurs automobiles. « La mise en place de l’accord a pris neuf mois », souligne Aurélien de Meaux, PDG d’Electra, qui évoque des négociations longues et complexes entre avocats. L’impulsion finale est venue de Jeroen van Tilburg, nommé à la tête d’Ionity en 2024, après des passages chez Tesla et Netflix. Il espère que l’alliance devienne un label de qualité, garantissant une recharge rapide et fiable à travers l’Europe. Derrière cette coopération inédite se cache une réalité économique tendue. Tous les membres de la Spark Alliance sont encore déficitaires. « Nous serons rentables… un jour ! », ironise Stefano Terranova, PDG d’Atlante. Le marché de la recharge souffre d’un manque de rentabilité lié à des investissements élevés et à un nombre encore trop faible de véhicules électriques en circulation. L’alliance est donc aussi une manière de consolider les forces. Les réseaux des quatre membres sont jugés « très complémentaires », avec peu de doublons. De plus, tous utilisent le même fournisseur de bornes, Alpitronic. Ce regroupement pourrait donc peser davantage lors des appels d’offres publics ou pour obtenir de meilleures conditions auprès des partenaires industriels. Reste à savoir si cette coopération tiendra sur le long terme, et si elle parviendra à séduire d’autres acteurs du secteur. Pour les fondateurs de Spark Alliance, ce n’est que le début : ils souhaitent intégrer d’autres opérateurs et poser les bases d’un standard commun pour accélérer l’adoption du véhicule électrique en Europe.