La France ne travaille-t-elle pas assez comme l’affirme François Bayrou ? Prudence
Le Français est paresseux, se met tout le temps en grève et manifeste pour n’importe quelle occasion. Ce sont des clichés qui font sourire lorsqu’ils viennent de l’étranger mais dès qu’un politicien se lance sur le sujet, on n’échappe jamais à la controverse. Cette fois, c’est au tour de François Bayrou de mettre les pieds dans le plat. Mardi 15 avril, le Premier ministre a tenu une conférence de presse sur l’état des finances publiques en France où il a notamment demandé aux Français « une prise de conscience », avant d’affirmer que « la France ne travaillait pas assez ». Si le Premier ministre n’est pas le premier, et sûrement pas le dernier, à affirmer cela, sur quoi s’appuie-t-il ? Les Français ne travaillent-ils vraiment pas assez ? Tour d’horizon, en chiffres, du nombre d’heure de travail en France par rapport à ses voisins européens. Dans la moyenne des pays de l’Union européenne Si l’on regarde le nombre d’heures de travail hebdomadaires des personnes ayant un emploi à plein temps, la France travaille effectivement moins que ses voisins européens. D’après Eurostat, département de la commission européenne chargé d’établir des informations statistiques à l’échelle de l’Europe, en 2024, la France se trouve légèrement en dessous de la moyenne des pays de l’Union européenne avec 39,9 heures travaillées par semaine contre 40,3 heures. Les travailleurs français restent cependant devant leurs voisins norvégiens, finlandais ou encore irlandais. En revanche, lorsqu’on regarde les mêmes données en incluant cette fois-ci les employés à temps partiel, la France se replace un peu plus haut, toujours un petit cran en dessous de la moyenne des pays de l’Union européenne (35,8 contre 36 heures). Les Pays-Bas ferment la marche avec seulement 32,1 heures travaillées là où la Grèce est première avec 39,8 heures. Nombre d’heures travaillées par habitant : un chiffre biaisé Certes, la France se trouve plutôt dans la moyenne en matière de temps de travail hebdomadaire des personnes ayant un emploi, mais ce n’est plus le cas lorsque l’on prend en compte l’ensemble de la population. Comme le rapportait le journal Les Échos, citant un rapport de l’OCDE, en France en 2023, le nombre d’heures travaillées par habitant s’élevait à 664 heures. À titre de comparaison, pour l’Allemagne, ce chiffre grimpe à 730 et le Luxembourg dépasse même les 1.000 heures travaillées par habitant avec 1.114 heures. Souvent utilisé pour montrer le « retard » de la France en matière de temps de travail, ce chiffre est en réalité biaisé par plusieurs facteurs. La démographie particulière de la France, avec un taux de natalité plus élevé que ses voisins européens et une espérance de vie également haute, joue sur la part de personnes actives (population âgée entre 15 et 64 ans). Par exemple, la part de la population active atteint 61,47 % en France contre 69,07 % au Luxembourg. Avec une part plus importante d’habitants en âge de travailler, il est logique que le chiffre du nombre d’heures travaillées par habitant soit plus élevé. La proportion de cette tranche de la population variant selon les pays, il est difficile de comparer ce chiffre entre plusieurs nations. Le taux d’emploi plombe la France Autre biais et pas des moindres, le taux d’emploi qui joue aussi un rôle important dans l’interprétation des données. Selon l’Insee, en 2022, 68,1 % de la population active française avait un travail. La même année, l’Union européenne affichait, en moyenne, un taux d’emploi à 69,5 % quand celui d’un pays comme l’Allemagne grimpait à 77,2 %. Forcément, là encore, ce chiffre influe sur la part de la population pouvant réaliser des heures de travail. Avec un taux d’emploi plus faible que ses voisins, la France se retrouve handicapée et privée d’une large part de sa population en âge de travailler. Selon l’institut privé d’études économiques Rexecode, en alignant son taux d’emploi sur les cadors européens, la France compterait entre 2,8 et 4 millions d’emplois supplémentaires. Il est aussi important de souligner que le taux d’emploi en France n’avait jamais atteint un pourcentage aussi élevé depuis le début des relevés, en 1975. Enfin, il faut noter que l’augmentation du nombre d’heures de travail n’a pas forcément d’incidence sur la croissance économique d’un pays. Une baisse du nombre d’heures de travail peut par exemple être comblée par d’autres facteurs comme la productivité.