Les nuits passent, les attaques se succèdent, le mystère s’épaissit. Une nouvelle fois, des malfaiteurs ont profité de l’obscurité pour s’attaquer à des personnels de l’administration pénitentiaire. Selon nos informations, la voiture d’un agent a été dégradée vers 2h30 ce mardi matin à Villefranche-sur-Saône, dans le Rhône, par plusieurs hommes cagoulés qui ont jeté des pierres dessus avant de prendre la fuite. Une enquête a été ouverte par le parquet. Dans l’Oise, à Hermes, les lettres « DDPF » - « droits des prisonniers français » - ont été taguées sur le véhicule et la boîte aux lettres d’un surveillant. Dans le Calvados, vers 3 heures du matin, cinq véhicules ont été incendiés sur le parking du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de Caen. Là encore, les auteurs ont pris la fuite. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a assuré sur X que « plusieurs attaques » avaient été « dissuadées » grâce aux forces de l’ordre, dont la présence a été renforcée à proximité des prisons. Le garde des Sceaux indique notamment que, dans l’Isère, « des individus ont été interpellés à proximité d’un établissement pénitentiaire avec des jerricanes d’essence ». Selon une source proche du dossier, trois hommes ont été contrôlés par les gendarmes du Psig aux abords de la prison de Grenoble-Varces, sur la commune de Varces-Allières-et-Risset. Dans le coffre du véhicule, les militaires ont découvert un jerrican d’essence d’une capacité de 10 litres. « Au mauvais endroit, au mauvais moment » ? L’un d’eux, mineur, était sous contrôle judiciaire et avait interdiction de sortir de chez lui la nuit. Il a été placé en retenue judiciaire. Le parquet de Grenoble fait savoir qu’une enquête a été ouverte, confiée à la division de la criminalité organisée et spécialisée. « A ce stade, aucun autre élément ne peut être communiqué », précise-t-il. Une source proche du dossier appelle à la prudence. « Ils étaient peut-être là au mauvais endroit, au mauvais moment. Le jerrican est-il lié à ces affaires ? C’est l’enquête qui le déterminera. » La veille, la porte d’une maison a été incendiée et des impacts de tirs ont été découverts sur la façade. Une inscription « DDPF » a en outre été retrouvée taguée sur le domicile… de gens habitant à côté d’un surveillant dans la commune de Villefontaine, non loin de la prison de Saint-Quentin-Fallavier. Le parquet national antiterroriste (Pnat) s’est saisi de l’enquête, comme de 12 autres commis entre le 13 et le 21 avril dans neuf départements. Depuis une semaine, les prisons et les personnels pénitentiaires sont en effet la cible d’attaques revendiquées par un mystérieux collectif se faisant appeler « DDPF ». Au total, 21 véhicules ont été incendiés et une dizaine d’autres dégradés. La piste du narcobanditisme a été mise en avant au sein de l’exécutif, à quelques mois de l’entrée en fonctionnement de la première prison de haute sécurité pour les narcotrafiquants. « Coordination des groupes criminels » « Quel que soit le coordinateur, le commanditaire de ces opérations, de toute façon, cela a un rapport avec le durcissement des conditions carcérales liées au narcobanditisme. Que cela soit une piste plus politique, l’ultragauche, ou la piste du narcobanditisme, c’est bien le durcissement des prisons qui est en question, explique à 20 Minutes Frédéric Ploquin, journaliste et spécialiste du banditisme *. S’attaquer aux QHS [quartier de haute sécurité], cela a toujours été un marqueur de l’extrême gauche. Si en revanche, ce sont des voyous qui sont à la manœuvre, il faudrait s’inquiéter. Car cela signifierait qu’il y a potentiellement une action concertée et simultanée sur le territoire. Et il faut quelqu’un à la manœuvre pour manipuler tout ce monde-là, les envoyer un peu partout. On aurait une sorte de coordination des groupes criminels. » Sur Telegram, un groupe nommé « Défenses des prisonniers français » (sic) a expliqué que ces attaques étaient une réplique aux mesures prises par le garde des Sceaux qui portent atteinte aux « droits fondamentaux » des détenus. « Sachez que nous sommes [sic] pas des terroristes, nous sommes là pour défendre les droits de l'homme à l’intérieur des prisons », écrivait mardi le groupe sur un canal suivi par près de 1.400 personnes. Dans ses messages, il dénonce la réduction du temps de promenade des prisonniers, le coût « faramineux » des communications téléphoniques, la « suppression des activités diverses » annoncées par le ministre de la Justice en février dernier, les « fouilles humiliantes ». Et estime que Gérald Darmanin a « déclenché » la « guerre ». Le canal, qui avait été créé le 12 avril, soit 24 heures avant la première action, a depuis été fermé. * Auteur de « Braqueur, mercenaire, aventurier, de l’OAS au grand banditisme », de Jean-Louis Rizza avec Frédéric Ploquin, sorti le 26 mars 2025, éditions du Nouveau Monde, 288 pages, 20,90 euros.