Les propriétaires de domaines viticoles qui partent à la retraite, ça ne manque pas. Et de jeunes vignerons qui pourraient reprendre l’affaire mais qui n’ont pas l’argent pour le faire, ça ne manque pas non plus… « Deux tiers des vignerons ont plus de 55 ans et s’apprêtent à demander leurs droits à la retraite. Il y a une nouvelle génération qui arrive. Elle est formée, compétente, mais elle ne peut malheureusement pas s’installer faute de financement », abonde Sébastien Guilbaut, directeur des opérations chez Terra Hominis. Cette société à mission permet aux vignerons partout en France de créer ou développer un domaine viticole « qui a du sens », via un système de crowdfunding. « S’installer hors cadre familial, c’est très compliqué » C’est ce qui est arrivé au Domaine Guntz Schaeffer à Epfig, dans le Bas-Rhin, la plus grande commune viticole d’Alsace. Philippe Schaeffer, qui exploite 12,5 ha de vignes, souhaitait prendre sa retraite et transmettre son exploitation à Xavier Guntz, 32 ans, salarié du domaine depuis neuf ans. « Il y avait tout à racheter, du foncier, du mobilier, du matériel viticole et de cave, le stock du domaine, détaille Xavier Guntz… Ça représente une très grosse somme, 2 millions d’euros environ, dont un premier million à trouver au plus vite. C’était impossible pour moi mais c’était trop dommage qu’un domaine historique, un patrimoine alsacien, qui se transmet de génération en génération, soit dispersé en plusieurs domaines, racheté par un gros vigneron ou simplement disparaisse », souligne Xavier Guntz. Pour lui comme pour d’autres jeunes vignerons, s’installer hors cadre familial s’avère très compliqué car le foncier est cher, autour des 100.000 euros l’ha, et « ça peut monter beaucoup plus si l’on parle de terroir un peu plus recherché. » Dans l’impasse, certains lui auraient proposé d’investir mais pour faire de la défiscalisation, ce qui n’intéressait pas le trentenaire. « Je voulais de l’humain, avoir une vraie relation de passionné, pas acheter des vignes pour "avoir des vignes" », explique le jeune homme. Il s’est alors adressé à la Safer Grand-Est pour sécuriser son installation et être accompagné, mais aussi à Terra Hominis. « Les banques ne prêtent pas forcément pour des vignobles et c’est dommage. Les gros rachètent les petits », constate Sébastien Guilbaut. Des petites parts qui finissent par faire un gros gâteau Terra Hominis a donc paré au plus pressé en sollicitant ses associés - des passionnés de viticulture - qui ont racheté près d’un quart de l’exploitation : 155 petits investisseurs ont acquis les parts familiales du domaine alsacien sur le point d’être vendues. Chacun a pris d’une à neuf parts valant 2.130 euros. De quoi permettre à Xavier Guntz de faire fonctionner l’ensemble de l’exploitation et de racheter petit à petit l’ensemble du domaine. « Ces parcelles lui sont à présent louées avec un loyer à payer… en bouteilles de vin. C’est presque anecdotique, sourit Sébastien Guilbaut. On propose de donner un peu de sens à l’épargne des associés. » « Quand ils reçoivent leurs bouteilles de vins ou viennent les chercher au domaine, c’est un peu comme si c’était le leur, poursuit-il. Ils en parlent autour d’eux, en deviennent des ambassadeurs naturels ; cela permet aussi de le faire connaître aux quatre coins de la France et à l’étranger. » Ça tombe bien, car comme l’assure Xavier Guntz, « une bouteille de vin sur la table, c’est un partage avec des amis autour d’un bon repas et c’est ce que je voulais ». Il vient de réussir à officialiser son installation au domaine.