Le fantôme de Donald Trump aura plané au-dessus de cette campagne électorale jusqu’au bout. Encore lundi, jour du vote à l’échelle du pays, le président américain a invité les Canadiens à rejoindre les États-Unis. Une déclaration incendiaire qui rappelle à quel point la guerre commerciale avec nos voisins du sud et cette menace d’annexion ont monopolisé la scène fédérale, au détriment de plusieurs autres enjeux d’importance. « Bonne chance au grand peuple du Canada », a écrit le président Trump sur son réseau, Truth Social, ce matin, dans un long paragraphe ponctué de mots écrits en lettres majuscules, dans lequel il invite les Canadiens à voter pour… lui. En faisant du pays le 51e État des États-Unis, les Canadiens pourraient bénéficier de l’armée la plus puissante du monde et s’éviter des tarifs douaniers affectant de nombreux pans de leur économie, incluant, entre autres, l’industrie automobile et celle de l’aluminium, a-t-il fait valoir. « Finies, les lignes artificielles tracées il y a de nombreuses années. Voyez comme ce territoire serait magnifique », ajoute la déclaration du président américain, selon lequel l’annexion du Canada — à laquelle s’opposent tous les partis qui ont pris part à la campagne fédérale — n’entraînerait « que du positif, sans aucun négatif » pour les Canadiens. Une éclipse appelée Trump D’une campagne électorale à l’autre, les grands thèmes nationaux du coût de la vie, de la criminalité, de l’environnement et de l’immigration, parmi d’autres, occupent généralement une place majeure dans les débats des chefs et la tournée de ceux-ci à travers le pays, dans l’espoir de courtiser le plus d’électeurs possible. Or, même si les plateformes des différents partis regorgent d’engagements électoraux sur ces différents thèmes, ceux-ci ont été, somme toute, écartés pendant cette campagne électorale d’un peu plus d’un mois, la guerre commerciale en cours avec les États-Unis s’étant rapidement imposée comme « l’enjeu de l’urne », évoque au Devoir André Lamoureux, professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal. « Ne confondez jamais notre gentillesse pour de la faiblesse. Allons voter et envoyons un message au président Trump », a d’ailleurs réitéré sur X lundi le Parti libéral du Canada, en ce jour du vote. Ne confondez jamais notre gentillesse pour de la faiblesse. Allons voter et envoyons un message au président Trump. Votez pour #UnCanadaFortpic.twitter.com/1SRTA2IDsT — Parti libéral (@parti_liberal) April 28, 2025 « Les sujets importants comme le coût de la vie, le logement, l’environnement » sont devenus « secondaires » pendant cette campagne électorale, l’enjeu économique « ayant pris le dessus », constate elle aussi Geneviève Tellier, professeure titulaire de science politique à l’Université d’Ottawa. Un sujet qui a été « imposé par Donald Trump » et qui a principalement bénéficié à la formation libérale, dirigée par Mark Carney, ajoute-t-elle. « Les libéraux ont consciemment voulu parler que de ça », M. Carney étant avantagé par sa position de premier ministre et son ancien chapeau de gouverneur de la banque du Canada, estime l’experte. Le Parti conservateur a pour sa part martelé à plusieurs reprises ses engagements en matière de lutte contre la criminalité et la crise du logement, mais, comme pour d’autres partis, les propos de son chef Pierre Poilievre sur ces questions autres que la guerre commerciale ont trouvé peu d’échos dans les médias et auprès de la population, estime Mme Tellier. Bref, « les gens voulaient entendre parler de la guerre commerciale », et pas vraiment d’autres enjeux, résume-t-elle. Résultat : bien des Canadiens auront voté cette année sans connaître la position des partis en lice sur plusieurs enjeux nationaux d’importance, n’ayant peu ou pas eu l’occasion d’entendre ceux-ci débattre d’autre chose que les relations entre le Canada et les États-Unis. « Ça n’a pas été une élection enlevante où de grands débats se seraient invités dans la campagne », regrette M. Lamoureux, qui se montre notamment surpris de voir que la possible construction de pipelines qui traverseraient le Québec et la position des partis fédéraux en ce qui concerne le respect des compétences provinciales n’ont pas soulevé davantage les passions dans le contexte de cette campagne. Il n’y a également « pas eu de débat fondamental » sur la question de l’immigration, ce thème n’ayant été abordé qu’en surface durant les débats des chefs, ajoute-t-il. Pourtant, « il y a quatre ans devant nous où des tonnes de décisions devront être prises au niveau fédéral qui dépassent la menace de Trump », rappelle l’expert. Quelque 28,2 millions d’électeurs sont appelés aux urnes, aujourd’hui, pour élire leurs députés.