Au stade Geoffroy-Guichard, Le grand public a fait la connaissance dimanche avec un certain Noël Mannino. Dans une saison de Ligue 1 sous le signe du divertissement (tragicomique), crise des droits TV en tête, le délégué du 126e derby a fait une apparition d’une minute remarquée dans la salle de presse de Geoffroy-Guichard. A ce moment-là, vers 22 heures, les 40.372 supporteurs stéphanois présents meurent d’envie de voir cet ASSE-OL (alors à 1-0) reprendre. Au total, ce choc régional a dû traverser une interruption de 42 minutes, l’arbitre assistant Mehdi Rahmouni ayant reçu sur le crâne une pièce de monnaie lancée par un spectateur en fin de première période. C’est là que Noël Mannino entre en scène, avec une punchline involontaire dont vont se délecter des centaines d’abonnés au réseau social X durant toute la soirée : « Mehdi Rahmouni a décidé de revenir aux vestiaires parce qu’il était un peu étourdi. On a fait venir un médecin pour le surveiller. Il n’est pas blessé. Il a pris un Doliprane, et après quelques minutes de repos, il a décidé qu’il pouvait reprendre la partie ». Les joueurs de l’OL ciblés pendant l’échauffement Ce « Doliprane » miracle a connu un drôle de succès populaire, et ça n’était pas de trop pour détendre un rendez-vous devenu pesant, entre la blessure de Corentin Tolisso étrangement gérée par François Letexier et le VAR (23e), et surtout ce scandaleux incident de la 44e minute de jeu. Le latéral brésilien de l’OL Vinicius Abner s’apprête alors à effectuer une touche lorsqu’on aperçoit au ralenti une pièce (qui lui était probablement destinée) percuter le crâne d’un Mehdi Rahmouni sous le choc. « Durant l’échauffement, des pièces de monnaie avaient déjà été jetées sur nos joueurs », raconte le président lyonnais John Textor. Un élément de contexte supplémentaire qui nous donnait peu d’espoir de voir cette rencontre phare de la 30e journée de Ligue 1 reprendre, afin d’en faire un nouvel exemple symbolique fort pour protéger joueurs, staff, dirigeants et donc arbitres. Les trois précédents comparables les plus célèbres de notre championnat de France ont ainsi tous un point commun : Strasbourg-Metz en 2000 : l’arbitre assistante Nelly Viennot est visée par un jet de pétard. l’arbitre assistante Nelly Viennot est visée par un jet de pétard. Metz-OL en 2016 : c’est cette fois le gardien de but lyonnais Anthony Lopes qui reçoit près de lui un pétard et s’écroule. c’est cette fois le gardien de but lyonnais Anthony Lopes qui reçoit près de lui un pétard et s’écroule. OL-OM en 2021 : Dimitri Payet s’effondre après avoir été heurté par une bouteille d’eau lancée par un supporteur lyonnais. Le 21 novembre 2021, Dimitri Payet avait été touché par une bouteille d'eau lancée par un supporteur lyonnais lors d'un Olympico disputé (et vite arrêté) au Parc OL. - A. Benayache/SIPA Avec à chaque fois un match arrêté au moment de l’incident et rejoué à huis clos, avec en bonus deux points retirés à Metz en 2016 et un point aux Lyonnais en 2021. Il faut ajouter à cela la règle clairement définie par le gouvernement en décembre 2021, à la suite de l’épisode Payet : un match de Ligue 1 ou de Ligue 2 sera « systématiquement et définitivement interrompu » lorsqu’un joueur ou un arbitre sera blessé par un projectile lancé depuis les tribunes. « Ça n’a pas affecté le match » OK, donc autant dire que la 45e minute de ce derby n’avait aucune chance d’arriver, surtout au vu de l’interminable attente dans un stade plein et plus que bouillant à partir du but de Lucas Stassin. Mais coup de théâtre : le geste stupide d’un individu a priori isolé, et prêt à couler son club luttant pour son maintien, n’a pas été fatal à cet ASSE-OL. Car le premier intéressé, Mehdi Rahmouni, a donné son accord pour reprendre le match, au contraire de Nelly Viennot, Anthony Lopes, Dimitri Payet, et même dans un cas plus récent bien que différent Fabio Grosso. Bien que menés au score dans un match crucial et à l’extérieur dans un stade hostile, joueurs et dirigeants lyonnais n’ont pas cherché à contrarier cette reprise de match. « On savait que ça allait être tendu, résume le directeur technique de l’OL Matthieu Louis-Jean. Je ne sais pas s’il fallait reprendre ou pas, mais c’est quand même assez sérieux de voir un arbitre prendre une pièce sur la tête en plein match. » Son boss américain John Textor poursuit. « C’est une situation difficile qui a des précédents conduisant à une suspension du match. C’est peut-être la deuxième erreur de l’arbitre [après la non-expulsion de Lucas Stassin], qui était très à l’aise à l’idée de reprendre le match. Ça n’était pas le plus gros problème de la soirée mais j’ai été surpris de la manière dont cela a été géré. Je ne m’en plains pas, d’autant que nous avons mieux joué après l’interruption, et que ça n’a pas affecté le match. » « Ce qui s’est passé est vraiment inadmissible » Il n’y a (heureusement) plus eu le moindre incident notoire dans le Chaudron durant ce match aussi passionnant que bizarre, avec son décalage de 42 minutes. « Ça nous a fait deux temps d’arrêt enchaînés avec la mi-temps et ça n’était vraiment pas évident », confirme le gardien lyonnais Rémy Descamps. L’entraîneur des Verts Eirik Horneland s’est montré plus sévère quant à cet épisode : « Ce moment était très désagréable à vivre. On doit pouvoir jouer ces rencontres de football sans aucune interruption. Les joueurs comme les arbitres doivent se sentir en sécurité sur le terrain, et ce qui s’est passé est vraiment inadmissible ». Le coach norvégien de l’ASSE ne s’est pas penché sur les graves conséquences possibles en coulisses. Car si son club donne l’impression d’avoir été verni dans son succès inattendu (2-1) dimanche, entre le Stassingate et cette pièce de monnaie jetée sur l’arbitre, ça pourrait tourner autrement dans les prochains jours devant la commission de discipline. Y compris avec un retrait de points qui pourrait être fatal à Sainté (17e), revenu à hauteur du barragiste havrais (16e) ? L’ASSE dépose une plainte dès ce lundi Le club stéphanois a en tout cas pris le problème à bras le corps, en communiquant sa démarche dans la nuit de dimanche à lundi : « L’AS Saint-Étienne a immédiatement mis en place tous les moyens pour permettre d’établir précisément les faits. Cette enquête a permis d’identifier rapidement l’auteur présumé d’un jet de projectile. Sur la base des informations transmises par le club et en collaboration avec les autorités, l’individu a été interpellé à la sortie du stade. Il est désormais en garde à vue. L’AS Saint-Étienne déposera dès ce lundi une plainte à son encontre ». Avant d’insister : « Le club agira avec la plus grande fermeté, en prenant de son côté les sanctions les plus sévères, afin que cet acte isolé ne reste pas impuni. L’AS Saint-Étienne rappelle son engagement total dans la lutte contre toute forme de violence et continuera d’agir résolument avec toutes les parties prenantes pour permettre de prendre les mesures les plus efficaces contre les auteurs de ce type de faits ». Cela suffira-t-il à éviter les sanctions collectives qui entourent si souvent le football français ?